Réflexions autour du libertinage
- Essa
- 6 févr. 2020
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 avr. 2021
Toute une ribambelle de "nouveaux" modèles de relation voient le jour ou changent peut-être simplement de nom. De nos jours, il n'est pas rare de rencontrer des couples qui sont en union libre, polyamoureux, en concubinage avec 2 ou 3 personnes en même temps etc.... Tous ces modèles ont toujours existé mais sous des noms différents ou alors on se gardait bien de le crier sur tous les toits.
En effet, on ne recherchait pas une reconnaissance sociétale de ces modèles contrairement à aujourd'hui. A l'époque, le mariage dit religieux était pleinement et uniquement reconnu et les autres modèles rangés sous ce que nous appellerons le libertinage (j'abrège un peu, désolée).
C'est un terme que j'affectionne particulièrement ceci-dit, car il partage son étymologie avec le plus beau des mots et des ressentis, la LIBERTÉ !
Un libertin, c'est quoi ? Le mot « libertin » vient du latin « libertus » qui signifie « affranchi ». En d'autre termes, le libertin bénéficie d'une liberté de penser et s'adonne aux plaisirs charnels avec une liberté qui dépasse les limites de la morale conventionnelle". Le mot-clé dans tout ça : liberté de penser !
Mais revenons-en à nos moutons... Le libertinage version 2.0 est très attirant car il envisage d'entrer en lien avec des êtres aimés et/ou pour le moins désirés, sans signer un contrat pour la vie. Mais pouvoir vivre heureux et épanoui dans un mode de relation comme celui-ci demande d'innombrables ressources. En effet, exit l'alter ego réparateur, rassurant, sparadrap... en un mot : exit le prince charmant, exit la maman et bye bye le papa.
Il s'agit bel et bien de voler de ses propres ailes avec comme seul allié son désir. Vivre avec son désir, dirons certains, ce n'est justement pas difficile ! Et bien si, ce n'est pas si facile d'écouter son propre désir sans se faire rattraper par les normes sociales ancrées au plus profond de nos êtres. En effet, il s'agit d'identifier son désir et non pas celui qui est motivé par un soi idéal qui aurait la fâcheuse conséquence de nous plonger dans les abysses. A quel moment de notre éducation avons-nous été préparés à vivre ce grand Saut ? Certainement pas à l'école ou le but est de nous inculquer une discipline, certainement pas à l'église non plus et ce n'est pas avec nos parents que nous aurons pu apprendre de telles valeurs. En effet, bien que désireux (!) de nous laisser le choix, ils étaient eux-mêmes comprimés dans des rôles parentaux et éducatifs laissant que peu de place à leur propre désir.
Alors, ce que j'en retire personnellement en tant que trentenaire ne trouvant pas encore son modèle de prédilection, c'est que j'ai passé les 15 dernières années de ma "vie sentimentale" à osciller entre les "il faut que" et "je voudrais". J'ai entamé une psychanalyse il y maintenant près de 10 ans pour pouvoir finalement être plus proche de mes propres désirs et c'est un long chemin qui, en effet, demande un affranchissement par étapes.
Pour rentrer un peu plus dans le vif du sujet qui est l'objet de cet article, je vais parler de mes propres expériences. Je suis actuellement et depuis quelques années célibataire et je papillonne avec mon désir et ses obstacles là ou le vent nous mènent ! En d'autres termes, je vis des relations qu'on qualifierait aujourd'hui de "friend with benefit" ou de relation "non-sérieuse" ou encore "non-officielle". Au fond, ce sont des liens sans contraintes ou seul le plaisir est invité. Mais est-ce possible ? et surtout combien de temps ? Et, surtout, pourquoi les liens devraient-ils être autrement ? Pourquoi devrait-on accepter de l'autre avec qui nous avons des relations intimes de partager tout le reste de sa vie et alors de renoncer à la notre ? N'est-ce pas vouloir assouvir ce besoin de fusion qui découle de l'attachement maternel ?
Réussir à vivre des moments de bonheur, à aimer "l'autre" le temps de quelques instants mais du plus intensément possible et sans promesses de réparation et d'éternité est sans doute la plus belle forme d'amour qu'on puisse offrir à quelqu'un et à soi-même. Le reste n’étant qu'illusion, construction mentale et représentations.
Mais en pratique, ce n'est pas simple. Je me fais moi-même parfois (ou souvent !) rattraper par de vieux schémas qui viennent entraver mon désir et dicter la manière dont devrait être tel ou tel lien. Un besoin quasi viscéral s'empare temps à autre de moi-même et me demande l'impossible amour. Par amour impossible, je parle de celui qui est enfermé dans un système si austère qu'il n'est pas compatible avec l'épanouissement. L'autre devrait alors répondre à toute une série de demandes et jouer le rôle de la Mère. Et les accusations naissent si l'autre ose alors renoncer à cette impossible demande : "il pourrait au moins prendre de mes nouvelles", "il sait que je suis seule et il ne vient pas me consoler", "il devrait me proposer d'aller à cette soirée avec lui"," la moindre des choses serait que ".... et j'en passe !... Et c'est le retour des "il faut que".
Mais sous quels prétextes ces injonctions se permettent-elles de s'installer dans mes pensées ? Heureusement, la plupart du temps, je parviens à ne pas les transmettre et à les taire mais elles reviennent de temps à autre. Et pourtant, ce sont bien ces injonctions là qui éteignent le feu du désir. Y répondre reviendrait à rompre ce type de lien dit "sans contrainte" que j'affectionne pourtant énormément.
Car vivre de contraintes et d'eau fraîche, cela n'a jamais ravi qui que ce soit.
Certains me diront que ce n'est pas de l'Amour et que ces relations dites libres ne témoignent pas d'un amour réel. Aimer quelqu'un, c'est vouloir s'engager pour la vie, la soutenir et construire durablement. C'est là que se loge le nœud justement. Car aimer quelqu'un ne sous-entend pas toujours de lui témoigner un engagement durable. Je peux aimer une personne pour ce qu'elle est et parce que j'aime l'intimité partagée à un moment T. Comment pouvons-nous nous engager "pour la vie" ou de manière indéfinie sur la base d'un ressenti à un moment donné ? C'est un concept qui m'a toujours dépassé.
Cependant, cet amour pour l'autre ou cette intimité partagée peut se renouveler et in fine durer mais seulement parce que le désir en est le guide.
Mais au fond, est-il possible de vivre un lien sans contraintes ? A partir du moment ou il y a un autre, il y aura nécessité d'adaptation et cela est déjà une contrainte. Alors, ce qui fait foi, c'est le poids de la contrainte face au poids du plaisir. Et il est vrai que dans des modèles classiques de relation, bien souvent, le poids de la contrainte prend vite le dessus après quelques années de vie commune et de couette partagée.
Malgré tous les nouveaux modèles émergents, il est difficile encore aujourd'hui de revendiquer et de vivre ce type de lien sans se sentir comme un ovni. Et cela d'autant plus quand on est une femme. Parce qu'une femme qui s'adonne à des plaisirs charnels et légers au lieu d'être une épouse et une mère parfaite, ce n'est pas encore très bien vu en 2020. Et pourtant, je rencontre de plus en plus de femmes et d'hommes qui se questionnent profondément sur cette question, faut-il renoncer à son désir pour pouvoir vivre une "vie de famille" ? mais qu'est-ce qu'une vie de famille ? Encore une construction mentale idéalisée ? Cela fera prochainement l'objet d'un autre article !
... de ces incongruences entre mon propre désir et ces injonctions naissent petit à petit de nouveaux modèles au sein desquels le plaisir (durable?), je l'espère, sera Roi.

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